Conneries nihilistes
Mon livre de chevet m’a rappelé la chose suivante hier soir : si dans notre univers, n’importe quelle constante universelle était un chouilla différente de ce qu’elle est, la vie telle que nous la connaissons n’aurait pas pu émerger.
Une illustration suffira. Elle concerne l’interaction nucléaire forte, liant les nucléons (protons et neutrons) entre eux au sein des noyaux atomiques. Il suffirait qu’elle soit légèrement plus intense (d’environ un pour cent) pour que les étoiles ne vivent pas plus de quelques secondes, au lieu des quelques milliards d’années que nous observons.
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Un second exemple pour ceux qui ne seraient pas convaincus. Il concerne la masse du neutron, dont on sait qu’elle est très légèrement supérieure à celle du proton. Si la différence entre leurs masses avait été très légèrement plus grande, tous les neutrons se seraient transformés en protons. Or, sans neutron, les atomes autres que l’hydrogène ne peuvent plus se former et sans atomes de carbone, pas de vie. Si, au contraire, la masse du neutron avait été très légèrement inférieure, c’est l’inverse qui se serait produit : les protons se seraient tous transformés en neutrons. Or, sans protons, pas d’atomes (pas même d’hydrogène) et, par conséquent, pas de vie.
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Certains cosmologistes voient dans ces coïncidences favorables un indice de l’existence d’une pluralité d’univers ayant des paramètres physiques aux valeurs différentes : les dés auraient été jetés un très grand nombre de fois, de sorte que tous les univers possibles seraient réalisés quelque part et que nous aurions eu la chance de tomber dans un univers localement vivable et plutôt hospitalier, du moins en certains lieux.
Étienne Klein – Discours sur l’origine de l’univers
Ok, donc parmi les milliers d’espèces existantes, je suis humain plutôt que cafard ou acarien ; parmi toutes ces familles de merde, je tombe sur la bonne plutôt que chez des pédophiles ou des junkies SDF (j’ai vu le film Polisse aussi, c’est bon pour le moral) ; parmi toutes ces dictatures, je nais en France ; parmi toutes ces époques de famine ou de guerre, je débarque au 20e siècle deuxième mi-temps ; parmi les quelques planètes du système solaire, les centaines de milliards de systèmes solaires de la galaxie et les centaines de milliards de galaxies dans l’univers, je tombe sur un endroit où la vie est possible alors que j’aurais si facilement pu n’être rien autre part ; et maintenant j’apprends qu’il ya une chance pour que parmi une infinité d’univers, je sois tombé sur le seul où toutes les constantes universelles sont réglées à la perfection pour que tout fonctionne.
À cette échelle, je crois qu’on peut dire que moi et mes potes, on est les êtres les plus chanceux du multivers. Et pourtant, j’arrive encore à me plaindre et à sortir mes conneries nihilistes sur le fait que moi et mes potes soyons une génération d’autruches qui nous prenons une grosse mandale dans la tronche à chaque fois que l’on sort la tête du sable. What a fucked up world.
Allez, oublions tout ça et regardons de jolies images.
À dans trois mois !